Ça fait deux semaines que j’ai terminé cette bande dessinée et je n’arrive pas à écrire cette fichue chronique. Pourtant ce n’est pas l’envie d’en parler qui manque, mais c’est plutôt la manière de l’aborder qui me fait défaut.
Au début, je me suis dit : « Tiens, une BD sur ma maladie ! En plus, c’est Lou Lubie qui l’a écrite ! » et puis après, c’est venu me toucher tellement profondément, que je l’ai relue plusieurs fois, que j’ai essayé de démarrer cette chronique de manière classique, puis moins classique. Et me voilà aujourd'hui à tenter une nouvelle version. Comment parler d’un ouvrage, seulement de l’ouvrage, si celui-ci est parvenu à me toucher aux tréfonds de mon âme ?
Comme Lou s’est impliquée dans cette BD, elle y parle d’elle-même et de son « petit renard ». Moi aussi, j’en ai un qui marche à côté de moi et me joue des tours depuis… pfiou… assez longtemps pour qu’on soit devenus copains tous les deux et que l’on finisse par bien s’entendre. Mais, même si je le connais bien, lire son histoire m’a permis d’envisager de nouvelles facettes de ses ruses et de leur impact sur mon quotidien. Cela m’a aussi rappelé que je n’étais pas seule, que le chemin n’était pas toujours rose vers la compréhension et l’acceptation, qu’on n’est pas toujours compris, que ce n’est pas facile à diagnostiquer. Surtout, qu’il est important d’en parler et de faire connaître cette pathologie au plus grand nombre. La visibilité peut sauver des vies, je ne le répéterai jamais assez ! Alors, merci, Lou !
Mais qui se cache derrière Monsieur le Renard ? Dans « Goupil ou Face », il est question des troubles cyclothymiques, une facette de la bipolarité. Pile, on est heureux, tout est beau, tout est rose, on est créatif, enjoué, plein de joie de vivre et agréable à côtoyer. Face, c’est une chape de plomb qui nous tombe dessus et tout s’écroule pour nous faire sombrer dans un monde fait de manque de confiance en soi, d’anxiété, de cauchemars et d’angoisses. Le tout, parfois, dans une seule et même journée… et avec des intensités différentes, s’il vous plaît ! Je vous en fais un résumé rapide, mais Lou et son Renard nous apprennent que c’est plus complexe que cela.
« Animaliser » la maladie pour mieux l’expliquer est un coup de génie de la part de Lou. Le Renard entraîne Lou sur le chemin de la compréhension sa cyclothymie. Presque sympathique, il devient proche de nous. Du long parcours de diagnostic, où le Renard rôde dans l’ombre et où l’on subit ses ruses sans comprendre, à la mise en mots de notre trouble et lorsqu’il se présente enfin à nous sous son vrai jour, Lou explique, décortique, non sans une dose d’humour bienvenue cette histoire qui est la sienne, mais aussi celle de chacun d’entre nous, les cyclothymiques.
Les pages en plus, présentes dans mon édition, à destination des proches, sont également très bien construites. Il est nécessaire de ne pas négliger celles et ceux qui vivent, eux aussi, avec le Renard de leur proche. Même si ce n’est, finalement, qu’un aspect de leur personnalité – la maladie ne nous définit pas, et nous sommes heureusement forts de multiples ressources ! – cela aide à mieux comprendre l’impact de la cyclothymie sur les relations interpersonnelles et comment savoir quand c’est le Renard qui prend le dessus.
Les dessins de Lou, connue, pour ma part, grâce à « Comme un oiseau dans un bocal » (qui, oh, tiens ! aborde une autre part de ma personnalité : la surdouance), sont toujours aussi empreints d’émotions et véhiculent un certain dynamisme. Je pense que parler d’un tel sujet par le dessin est un réel atout pour le rendre vivant, proche de nous… Je pense que je n’aurais pas eu cette même compréhension, cette même impression de proximité avec un roman, par exemple.
Pour conclure, je pourrais encore en parler longtemps, de cette magnifique BD, commenter chaque page, chaque scène et ce qu’elle évoque pour moi. Mais je vous laisse plutôt la découvrir. Que vous soyez curieux par rapport à la santé mentale, proche d’une personne atteinte de cyclothymie, cyclothymique – mais pas que ! – vous-même ou simplement adepte de bandes dessinées qui portent un regard neuf sur le monde, je vous recommande vivement « Goupil ou Face », ainsi que tous les ouvrages de Lou Lubie. Ah, et merci, Lou, d’en parler, de parler de cyclothymie comme tu le fais, d’avoir mis en mots et en dessins ce petit Renard, pour mieux l’apprivoiser.
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