― « Euh… bonjour euh… C’est pour la dédicace euh… au nom de Wendy, siouplé. »
― Allez, un, deux, trois, lance-toi !
― Non, c’est complètement con, il a dû l’entendre dire des tonnes de fois.
― Oui, mais non, mais c’étaient tes patients, quoi ! ça faisait partie de toi, de ta pratique. T’as aidé plein de monde, comme ça. Il va être content de savoir que tu te servais de ses BD pour parler de ce que tes patients ne mettaient pas en mots.
― Naaaan, mais c’est pas intéressant. Tu vas lui faire perdre son temps !
― Mais vas-y, dis-le ! T’as pas fait deux heures de queue pour ne rien dire et repartir avec ta BD sous le bras !
― Tu vas avoir l’air cruche ! En plus, t’es même plus psychologue. Pfff…
― Ouais, mais tu es toujours aussi touchée par le travail de Xavier et la fin de vie et tout ça, ça fait encore partie de toi, de ce dont tu parles dans tes romans, alors lance-toi, bon sang de bonsoir !
Ça, c’est ce qui s’est joué dans ma tête pendant de longues minutes de silence, pendant lesquelles Xavier, alias l’Homme Étoilé, dessinait tranquilou un p’tit Jean en noir et blanc, à Saint-Malo, au festival Quai des Bulles, en octobre dernier. Alors, j’ai pensé très fort à Marcelle, Lucille et Benjamin, de « La fleur de l’âge » et de ce qui m’avait motivée à écrire leur histoire. Je me suis dit que je n’étais pas là pour rien. Ce n’est pas aussi pour rien que l’épigraphe au début du roman est l’une de ses citations.
Alors je me lance et voici ce qui est sorti de ce long conciliabule intérieur :
― « Euh… je voulais vous remercier pour ce que vous faites et de parler de la fin de vie comme vous le faites. Et des soins palliatifs, aussi. J’étais psychologue dans un tel service et je me servais de vos bandes dessinées pour aborder certains sujets avec mes patients. Cela m’a permis d’ouvrir certaines portes et de pouvoir parler de choses qu’on n’aurait pas pu aborder sans qu’ils puissent se reconnaître et reconnaître leurs proches dans vos dessins. Alors, pour moi, mais surtout pour eux… Merci. »
Enfin, c’est ce que j’ai imaginé dire. Après, on a parlé dessin, musique et de mes livres. Je ne remercie pas mon fournisseur d’avoir perdu mon stock où deux exemplaires lui étaient réservés, mais passons… Quelque chose me dit qu’on va se croiser lors d’une prochaine séance de dédicaces. Pendant ce temps-là, Jean prenait forme sous les traits assurés de ce grand Homme tatoué devant la timidité.
Jean, c’est le personnage principal de « Je suis au-delà de la mort », le premier roman graphique de L’Homme Étoilé. Jean, star du rock, va bientôt s’envoler enregistrer l’album de ses rêves avec son groupe, aux States, s’il vous plaît ! Mais ce rêve s’envole avec l’annonce de la maladie de Jean. Pour faire face au cancer, il commence ses séances de chimiothérapie. Son compagnon de chambre, qui se prend pour Franck Sinatra, va bien vite l’agacer… mais aussi lui faire voir cette expérience de la vie sous bien d’autres facettes !
Oui, il est toujours question de Mort, de maladie, de fin de vie, de deuil… mais toujours sous cet aspect éminemment humain, authentique, juste et rempli d’émotions, que seul Xavier parvient à me faire ressentir. Sujets tabous dont on parle peu, dont on parle par métaphore interposée, cet Homme qui nous met des Étoiles plein les yeux les aborde avec beaucoup de Vie.
C’est une histoire d’amitié et d’amour, de relations interpersonnelles et de vie, tout simplement.
Il y a un truc assez touchant que j’ai remarqué dans la queue pendant que j’attendais pour la dédicace. Je pense qu’on était tous émus de se retrouver là pour le rencontrer et échanger quelques mots. Ce n’était pas une simple file d’attente, mais un instant d’émotions où l’on s’est rassemblés autour de quelque chose de bien plus fort. Les regards et les quelques mots échangés en ont dit bien plus : chacun, à notre manière, pour des raisons sans doute bien différentes, nous étions proches, nous étions, nous aussi, au-delà de la mort et proche de celui qui met nos émotions en scène.
Et que dire de dessins de Xavier ? De la couleur, de la vie, des visages expressifs et des situations amusantes, profondément drôles et touchantes. On s’identifie à Jean et Franck, on les aime instantanément.
Pour conclure… puisqu’il faut bien terminer et vous laisser à la magie de la découverte de cette magnifique bande dessinée qu’est « Je suis au-delà de la mort », je prononcerai un immense merci à L’Homme Étoilé. Lire l’histoire de Jean et Franck sera bien plus fort que cette sobre conclusion.
